Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 38]

 

La rumeur de la venue prochaine d’un serviteur népalais à Osaka se propagea comme une traînée de poudre jusqu’à Tokyo. Le premier conseiller ne savait plus quoi faire. Il hésitait à en informer l’ambassadeur. Il préféra attendre d’avoir les papiers officiels en mains avant de le déranger.

Quand ce jour arriva, il n’avait plus d’autre choix que d’aller voir Son Excellence et de l’en informer.

— Henri-Aymard, je ne sais pas si tu connais quelqu’un à Bercy mais il faudra se renseigner pour savoir s’il n’existe pas un complot de ces imbéciles pour couler le Quai d’Orsay.

— Pourquoi cela, mon cher ?

— Il se trouve que… Comment dire… Notre Suffisance est en passe de pulvériser le record d’inepties réalisées en moins d’un an et il est en passe de nous ridiculiser encore plus.

— Oh, non… Pas le Kuso… Qu’est-ce qu’il a encore fait, cet imbécile ?

Edouard prit une longue inspiration.

— J’ai d’abord cru à une blague idiote mais, hélas, ce n’étaient pas des rumeurs : j’ai reçu les papiers demandant la venue d’un serviteur népalais à Osaka ce matin même, dit-il en les montrant à l’ambassadeur.

— Wahou ! Un serviteur népalais ! Il est majeur au moins ?

— On espère…

Ils se regardèrent tous les deux en silence. Henri-Aymard réfléchissait.

— Un serviteur népalais… Que peut donc faire un consul de deuxième zone d’un serviteur népalais ? Il a déjà deux chauffeurs, deux secrétaires, un cuistot, une femme de ménage, un gardien… Que va-t-il faire d’un serviteur ?

— Je ne veux pas savoir, répondit Edouard en faisant la grimace.

— Ah, oui, tu as raison. Mieux vaut ne pas savoir.

— Que fait-on ? On prévient Paris ?

— Oh, ils doivent déjà être au courant et s’en faire les gorges chaudes.

— On ne fait rien ?

— On ne fait rien. Que pourrait-on faire ?

— Je ne sais pas… Essayons au moins de circonscrire l’humiliation qui nous guette.

— Dans de pareil cas, il ne faut rien dire. Rien, pas un mot. Laissons les hyènes ricaner, elles se lasseront bien avant nous.

— Que fait-on pour la visite du ministre des Collectivités locales ?

— Oh, mon dieu, c’est vrai ! Je l’avais oublié celui-là !

— Il doit se rendre dans le Kansai, chez PVC. On laisse le consulat d’Osaka s’occuper du programme ?

— Surtout pas ! C’est à nous de nous en occuper ! C’est un dossier trop sensible pour être laissé à des amateurs.

— Tout à fait d’accord.

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