Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 48]

 

Konda était étonné que Sa Majesté ait finalement accepté l’invitation de découvrir les anciens sentiers de pèlerinage de Kumano et la cascade de Nachi. Mais il était ravi de l’accompagner car, pour rien au monde, il n’aurait hésité à se rendre dans un des plus beaux endroits de la région en particulier pendant la période des kōyō, des feuilles d’automne, lorsque les arbres se parent de rouge ardent et de jaune vif.

Décidément, pensa-t-il, le métier de diplomate s’apparente vraiment à celui d’un touriste professionnel. En plus, tous les frais sont remboursés. Si j’avais su, j’aurais peut-être dû intégrer le Gaimushô, le ministère des Affaires étrangères nippon. Comme cela, Moi aussi, j’aurais été payé pour visiter et prendre du bon temps à Paris !

Le chemin de pèlerinage se faisait traditionnellement à pied mais compte tenu de l’importance de ne faire perdre la face à personne, il avait été décidé de déposer le consul devant le sanctuaire de Hosshin-mon. De là, il ne lui restait plus que sept kilomètres à faire jusqu’au temple principal de Kumano. Soit une heure et demi au lieu des deux à trois jours requis pour parcourir la totalité des quarante kilomètres de la célèbre route Nakahechi, la plus ancienne et la plus populaire des chemins de Kumano. Konda avait jugé plus sage de mettre Sa Majesté dans une voiture, compte tenu de sa forme physique car même si ce dernier affirmait haut et fort être en parfaite santé et faire du jogging tous les jours, tout le monde au consulat s’accordait sur le fait qu’il était tout sauf un sportif.

Le chemin qui conduisait jusqu’à Kumano était quasiment plat et donc parfait pour un gaijin qui se rêvait en Doryphore, la statue de Polyclète aux proportions parfaites, et non à l’insecte nuisible qu’il était vraiment.

 

Le jour J, tout se passa au mieux. Un petit comité d’accueil attendait le consul et ses ouailles près du sanctuaire de Hosshin-mon, la « porte de l’éveil spirituel » qui marque l’entrée dans l’enceinte sacrée du temple de Kumano. Le maire adjoint de Tanabé se trouvait là ainsi que le directeur de l’office du tourisme qui allait être leur guide pendant leur séjour mais Pierre-Victor n’avait de regard que pour Romain qui était présent lui aussi.
Les officiels japonais saluèrent le consul avec déférence.

— C’est un honneur de vous souhaiter la bienvenue dans cette région historique de la péninsule de Kii. Permettez-moi de vous offrir ces humbles cadeaux.

Le maire adjoint de Tanabé présenta au consul un chapeau de paille et un bâton de marche, les deux accessoires indispensables à tout pèlerin. Sa Majesté les accepta en remerciant son interlocuteur.

— Je vous remercie au nom de l’Etat français, que je représente en ma qualité de consulat général, de votre accueil si chaleureux.

Le maire adjoint n’en demandait pas tant mais il était ravi d’accueillir un hôte étranger aussi prestigieux. Les sentiers de Kumano avaient beau être inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco, rares étaient les gaijin qui s’y rendaient.

Pierre-Victor se tourna vers le jeune Français.

— Si j’avais su, j’aurais emmené quelques verroteries ! dit-il, l’air amusé.

— Ah, ah, ah ! lui répondit ce dernier sans laisser paraître s’il était du même avis ou s’il riait pour cacher son embarras.

Shashin o toru no ha ? On prend une photo ? demanda le maire adjoint à Konda.

Sō desu ne ! Bien entendu ! lui répondit-il. Monsieur le consul général, si vous voulez bien rejoindre Monsieur le maire adjoint pour faire une photo.

— Vous pouvez me débarrasser de cela, grimaça Pierre-Victor à Konda en lui passant les cadeaux qu’ils venaient de recevoir.

— Ah, mais c’est que…

— Bon, ça va, j’ai compris ! maugréa-t-il. Mais je ne mets pas cette horreur sur ma tête, je vous préviens.

— Tant que vous le tenez à la main bien en vue pour la photo, tout ira bien.

Et Sa Majesté sourit comme si c’était le plus beau jour de sa vie. 

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