Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 52]

 

Konda allait quitter son bureau pour rentrer chez lui lorsque le téléphone se mit à sonner.

Moshi, moshi ? Allô ?

— Bonsoir Konda, je ne vous dérange pas ? C’est Romain Fougasse à l’appareil.

— Ah, bonsoir. Comment allez-vous ? Vous désirez parler au consul général, n’est-ce pas ?

— Oui, s’il vous plaît.

— Un instant.

Konda savait que Pierre-Victor était déjà parti mais il préféra s’en assurer : il avait connu des supérieurs hiérarchiques suffisamment vicieux pour faire semblant de ne pas faire de bruit exprès pour faire croire qu’ils étaient partis pour mieux vous piéger. Et Sa Majesté était tout à fait capable de se comporter ainsi.

— Oui, Monsieur Fougasse. Monsieur le consul général n’est pas à son bureau, y aurait-il un message ?

— Heu, non, je ne pense pas. Au fait, Konda, avez-vous connaissance de rumeurs de fermeture du consulat ?

— Des rumeurs ? Il y en a toujours eu. Ce n’est pas nouveau.

— Ah, bon… Vous êtes certain que ce ne sont que des rumeurs ?

Konda posa ses affaires sur son bureau et s’assit. Ce Romain savait quelque chose que lui ignorait.

— On vous a parlé d’une fermeture du consulat ?

— Une personne très bien placée m’en a parlé.

— Comme d’une éventualité ?

— Non, comme un fait décidé en haut lieu.

— Quelqu’un de très bien placé, ici, au consulat ?

— En effet.

Il n’y avait qu’une personne très bien placée au consulat qui pouvait être au courant, une seule. Il n’y avait plus de doute, maintenant. Konda accusa le coup mais se reprit rapidement.

— Cette personne voulait sans doute parler de la fermeture du bureau des visas qui est effective. Le consul général et l’ambassadeur nous ont assurés de la pérennité du consulat, le Japon étant trop grand pour que Tokyo s’en occupe seul.

Konda avait répondu comme un automate. Il savait que son interlocuteur n’allait pas le croire mais il ne pouvait ni infirmer, ni confirmer une information aussi explosive. Ainsi donc, le consulat allait véritablement fermer.

Romain avait deviné que Konda n’en dirait pas plus. Il tenait une information de première importance mais il avait besoin d’un second avis avant de la rendre publique. Il prit gentiment congé de Konda. Ce dernier raccrocha lentement, encore sous le choc, et appela sa femme. Il avait besoin de parler.

— Oui, c’est moi.

— Un problème ? Tu dois rester travailler plus tard que prévu.

— Non, pas du tout mais je voulais juste entendre ta voix.

— Ah, il s’est passé quelque chose d’important ?

— C’est que…

— Dépêche-toi de rentrer. On en parlera après manger.

Elle avait raison comme toujours. Il ne pouvait pas parler d’un sujet aussi grave au téléphone. Il prit ses affaires et sortit de son bureau.

Sur le chemin, il passa devant l’entrée du plateau consulaire et salua ses collègues comme si de rien n’était. Il était trop tôt pour leur avouer ce qu’il savait. Il s’en voulait de se comporter de manière égoïste mais c’était désormais chacun pour soi.

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